Vous trouverez ici des articles sur des sujets bien étranges ou décalés qui de prime abord n'ont que peu de rapport avec la généalogie ! Mais comme dit le dicton "l'habit ne fait pas le moine". Alors lecteur de passage ou "fan" de la première heure, vous trouverez ici, je l'espère, de quoi nourrir votre curiosité ! Bonne lecture.
09/03/2021
Les nourrices au XIXe Siècle et leur évolution.
Au XIXe siècle, différentes études sur les dénombrements de population et la comparaison avec les nations voisines font ressortir le constat suivant :
- La France subit inexorablement une baisse de la population.
La guerre de 1870 qui entraine la perte d’environ 130 000 Français n’aide pas à améliorer les chiffres.
Deux moyens pour combattre la baisse de la population sont pointés :
- L’augmentation de la natalité
- La diminution de la mortalité
Le gouvernement incite alors les Français à faire des enfants. Certains avantages matériels, quelques privilèges ou des récompenses sont accordés aux familles nombreuses mais ils n’amènent aucun résultat sérieux.
Il reste donc à lutter contre la mortalité. Elle est plus conséquente et anormale dans les premières années de vie que pendant l’âge adulte.
Les études du Docteur Monot (1830-1914) démontrent que de nombreux nouveaux-nés meurent alors qu’ils sont confiés à des nourrices. La mise en nourrice commence à être critiquée et l’exposé d’un mémoire par le Docteur Monot à l’Académie de Médecine suscite de longs débats.
Quelles sont les causes d’une telle surmortalité chez une nourrice ?
Elles sont multiples et en voici quelques exemples :
- Transports des enfants par des « meneurs » qui s’en occupent mal et les couvrent mal.
- Moins de lait pour le bébé car la nourrice continue malgré tout à nourrir sa propre progéniture.
- Recours à l’allaitement artificiel animal ou à des bouillies.
- Mauvaises conditions d’hygiène ou manque de surveillance.
- Soins prodigués par la nourrice au lieu d’appeler le médecin.
Pourquoi demander à une nourrice d’élever ou d’allaiter son nouveau-né ?
Au XIXe siècle, la mise en nourrice est très répandue. Et ce, quel que soit le milieu social.
Il faut déjà prendre conscience qu’à cette époque les mentalités sur l’allaitement ne sont pas les mêmes qu’aujourd’hui.
Une mère bourgeoise ou aristocrate ne peut accomplir en même temps ses devoirs d’épouse et de mère nourricière. Allaiter est inesthétique, cela abîme la beauté des seins. Le mariage chrétien impose fidélité entre époux mais, ce que l’on sait moins, c’est qu’il est tabou d’avoir des rapports sexuels pendant l’allaitement. Le mari n’a plus qu’à envoyer son enfant en nourrice et cela règle le « problème ».
Dans le milieu ouvrier, les femmes travaillent par nécessité. Elles n’ont donc pas le temps de s’occuper de leurs enfants. Ces derniers sont alors envoyés en nourrice.
Le constat est clair : la médecine et l’hygiène peuvent venir en aide et sauver des vies.
C’est pourquoi la loi du 23 décembre 1874 relative à la protection des enfants de premier âge est promulguée. Ce texte, également dénommé « loi Roussel » est un code des droits et devoirs à l’attention des « gardiennes d’enfants ». Théophile Roussel (1816-1903) est un médecin, philanthrope et politicien.
Cette loi a pour but :
- de mettre en place une surveillance attentive sur tout enfant de moins de 2 ans placé en nourrice loin du domicile des parents. Dans les mairies, deux registres sont mis en place : le premier à l’attention des parents ou ayant droits, le deuxième pour les nourrices, sevreuses ou gardeuses. La distribution d’une notice hygiénique est distribuée lors des déclarations de naissances.
- de créer un service de protection des enfants du premier âge pour consolider le système de surveillance médicale des enfants protégés.
- de dispenser des conférences sur l’hygiène infantile.
- d’introduire dans les campagnes les prémices des principes de la puériculture.
Les instructions sur la désinfection sont envoyées gratuitement lorsqu’un cas d’affection transmissible est signalé dans une famille. Celle qui concerne la rage est envoyée aux écoles, à tous les agents de police et au receveur municipal qui reçoit les personnes venues déclarer les taxes sur les chiens.
La mise en pratique n’est pas facile mais toutes ces mesures ont une action efficace contre la mortalité infantile et contribuent à sauver un très grand nombre d’enfants.
Entre 1898 et 1914, 76 000 et 90 000 enfants sont placés en sevrage ou en garde chez une nourrice rémunérée et relèvent de la protection instituée par la loi de 1874.
Il existe une disparité entre les enfants dit légitimes (nés de parents mariés) et les enfants naturels (nés hors mariage) dont la plupart du temps, la mère est célibataire. Mais aussi entre des pupilles de l’Assistance publique et des enfants secourus temporairement. Les mères de ces derniers reçoivent cette aide en vue de payer la nourrice.
Des modifications importantes ont lieu juste avant la guerre :
- L’âge des enfants lors de leur départ en nourrice. En effet, l’enfant part plus tard en nourrice.
- Le mode d’alimentation. La révolution du biberon est massive grâce aux progrès de la stérilisation du lait et des découvertes de Louis Pasteur (1822-1895). De plus, les mères sont mieux informées et les nourrices refusent de sevrer leur propre enfant trop tôt et préfèrent se louer « au biberon ».
- La manière dont parents et nourrices concluent leur accord.
En parallèle, les caractéristiques des nourrices changent. Elles sont souvent âgées de plus de 40 ans et non mariées. Dernière évolution majeure, parents et nourrices se passent de plus en plus des services des bureaux de placement. L’essentiel des placements se fait par connaissance.
Pendant et après la première guerre mondiale, on observe une nette diminution des enfants placés en nourrice. La difficulté d’avoir un transport gène le voyage des nourrices et des nourrissons. Mais surtout, les nourrices, pour la plupart paysannes, ont dû prendre la place des hommes dans les travaux agricoles. Après-guerre, les femmes continuent à remplacer les disparus à la tête des exploitations agricoles. Le système de nourrices traditionnelles baisse brutalement. Les mères ont dû trouver d’autres solutions de garde pour les enfants :
- Le nombre de places augmente en crèches. La première crèche est créée en 1844 à Paris, dans le but de lutter contre la mortalité infantile. Reconnues d’utilité publique en 1869, ce n’est qu’après la première guerre mondiale que les crèches se développeront car la pensée collective a évolué.
- Le placement à la journée chez une « nourrice voisine » devient le plus courant
Le terme « nourrice » est substitué par celui d’assistante maternelle !
Le service, qui à l’origine était un service d’hygiène enfantine, sera transformé des années plus tard en service d’assistance.
Nadège TRIBOUILLARD
Registre des déclarations des nourrices, sevreuses ou gardeuses, source Archives municipales de Puy Sain Martin, photo personnelle.
Registre des déclarations des nourrices, sevreuses ou gardeuses, source Archives municipales de Puy Sain Martin, photo personnelle.
Sources : Proposition de loi, procès-verbal de la séance du 24 mars 1873 à l’Assemblée Nationale ; Emile Alcindor de l’Institut Français de l’Education ; Union Fédérative Nationale des Associations de Familles d’Accueil et Assistants Maternels (UFNAFAAM) ; Archives Départementales du Vaucluse ; Nourrices et nourrissons dans le Département de la Seine et en France de 1880 à 1940 de Catherine Rollet ; Protection des enfants du 1er âge de la mortalité et des moyens de la combattre par le Dr Liétard ; La mise en nourrice, une pratique répandue au XIXe siècle, d’Emmanuelle ROMANET. Catherine Bouve : L’utopie des crèches françaises au XIXe siècle : un pari sur l’enfant pauvre ; Les nourrices de Noëlle Renault.
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